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Qui montera à bord du train numérique?

Les services numériques dans les transports et dans les gares se développent. Les professionnels et les élus s’interrogent sur les effets des potentielles inégalités d’accès des individus et des territoires à ces nouveautés.

Qui montera à bord du train numérique?

Le voyageur qui se rend à la gare pour prendre son train est guidé par une application de son smarphone jusqu’au parking souterrain, où une place lui a été réservée. De là, il se rend – toujours guidé par son application – sur le bon quai. Une fois installé sur son siège, il visualise sur son écran des informations sur le paysage qui défile à la fenêtre. Le même type d’assistance lui est fournie à l’arrivée, pour trouver son bus. Futur proche ou vision irréaliste ? Les technologies numériques appliquées à la mobilité fournissent un bon aperçu des questions que posent un accès inégal à ces nouveaux services dans la société, au niveau des territoires et des individus. C’est ce qu’a montré le débat “interconnexion des gares et des territoires, y a-t-il un risque de fracture numérique sociale et territoriale”, qui s’est tenu à Paris le 11 avril, lors du colloque “Villes et gares numériques, quelles connexions ?”, organisé par Gares et connexions, l’entité de la SNCF chargée de la gestion des gares.
« Nous allons de plus en plus vers un monde numérique. Demain, non seulement la moitié de l’humanité sera connectée, mais aussi 70 milliards d’objets », rappelle Dominique Auverlot, chef de département au Centre d’analyse stratégique, rattaché au Premier ministre, qui a produit plusieurs rapports sur le fossé numérique et les nouvelles mobilités. D’après ces études, les fractures numériques existent bien : certains territoires, les personnes les plus âgées, les plus démunies et les plus exclues culturellement sont déjà et risquent d’être de plus en plus exclues de ces nouveaux services. Et la question de leur mise en place se pose donc aussi dans les gares.

La gare à tout faire ?
« Il faut garder de l’humanisme dans les lieux publics, pour ceux qui n’achètent pas leurs billets sur Internet, encore pendant vingt ou trente ans. C’est le rôle de la puissance publique de faire cela », met en garde Jean-Luc Rigaut, maire d’ Annecy. « Les opérateurs qui veulent développer des services sur Internet vont, pendant plusieurs années, s’adresser à des populations très différentes (…) Si Gares et connexions veut développer des services numériques, cela peut stimuler l’appétence pour ces services, c’est une bonne chose. L’idée de créer des espaces numériques dans les gares, qui proposent aussi des services, pourrait améliorer la vie dans la gare et aussi lutter contre le fossé numérique », souligne Dominique Auverlot. Partant, le rôle de la gare dans la ville et dans la société fait l’objet de réflexions dans le cadre du projet du Grand Paris. « Avant, la gare était pensée comme un élément autonome. Aujourd’hui, on se demande comment organiser la porosité entre les gares et les villes », explique Hicham Affane, conseiller régional d’Ile-de-France et viceprésident de l’établissement public foncier de la région. Pour lui, le modèle qu’on a connu ces dernières années avec des gares grande vitesse posées « au milieu de nulle part », a vécu. Et dans le cadre du projet du Grand Paris, les gares ont été pensées « comme l’élément central de la ville. On a réalisé des densités concentriques autour. Cela permettra d’investir pour la prise en charge financière de la mise à niveau numérique des habitants. La gare va devenir l’épicentre de la création de la ville, et c’est ainsi que se résorbera la fracture numérique, sociale et territoriale », escompte Hicham Affane. Que la fracture numérique soit aussi territoriale, c’est aussi l’avis de Jean-Luc Rigaut. Tous les territoires ne sont pas égaux devant la 4G, par exemple. « Nous essayons de faire de la péréquation avec l’arrière pays », témoigne l’élu local. A ce titre, les infrastructures ferroviaires pourraient avoir un rôle à jouer, d’après Matthieu Chabanel, directeur général adjoint de Réseau ferré de France. « Il ne faut pas ajouter la fracture numérique à la fracture territoriale (…) Comme gestionnaire, nous donnons la possibilité de s’appuyer sur les infrastructures ferroviaires. Nous allons déployer de la fibre optique pour les besoins ferroviaires, le long des voies. (…) il n’y a pas de difficultés à poser plus de fibres et à proposer une offre qui permette aux opérateurs de les utiliser. Il y a de vraies synergies possibles », explique- t-il. A ce titre, l’utilisation du réseau ferroviaire secondaire pourrait faciliter un maillage numérique fin du territoire.