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L' « entreprenariat culturel » peut-il rapporter ?

Créer un fonds public d'investissement, favoriser les rencontres des équipes et des projets... Steven Hearn, lui-même jeune entrepreneur culturel, dévoile les principales conclusions d'un rapport qui lui a été demandé par le gouvernement, pour stimuler et favoriser ces entreprises un peu particulières.

L' « entreprenariat culturel » peut-il rapporter ?

On m’a dit : pas de niches fiscales ». Steven Hearn, fondateur du groupe d’entreprises culturelles Scintillo, a été chargé par Aurélie Filippetti, ministre de la Culture et de la Communication et Fleur Pellerin, ministre des PME, de l’Innovation et de l’Economie numérique, d’une mission interministérielle de concertation, réflexion et propositions, sur les problématiques liées à l’entreprenariat culturel. Le 29 janvier, à Paris, lors d’un « up café », une réunion publique organisée par le groupe SOS, acteur de poids de l’économie sociale et solidaire (ESS), Steven Hearn a livré les principales recommandations et constats de son rapport, fruit de ses rencontres sur le terrain.

D’après ses constats, pris au sens large du terme, ce champ culturel comporte quelque 160 000 entreprises, pour l’essentiel composées de un à deux salariés. Parmi les principales préconisations de Steven Hearn, figure l’amélioration du financement de ces structures . L’ idée : que BPIfrance, la Banque publique d’investissement « vienne abonder un fonds qui serait dédié à ces entrepreneurs de la culture », explique-t-il. La mise en place de cet outil d’amorçage permettrait d’accompagner les entreprises qui, lors de leur première année d’existence, ne parviennent pas à obtenir une aide des investisseurs traditionnels, qu’il s’agisse des banques ou des Business Angels. D’après l’expérience et les témoignages recueillis par le jeune entrepreneur culturel, les premières se montrent très frileuses vis à vis de ce type de projets. Quant aux seconds, pour la plupart, « ils considèrent que la culture n’est pas le lieu de la rentabilité », regrette le jeune dirigeant, qui a pourtant fait la preuve du contraire : son groupe pèse 24 millions d’euros de chiffre d’affaires et emploi 160 personnes.

Vers des clusters culturels ?
Autre préconisation de Steven Hearn : créer des lieux qui favorisent le travail, la rencontre et permettent l’accompagnement de ces entreprises. A Paris, au coeur de la Gaîté Lyrique, lieu culturel géré par le groupe de Steven Hearn, il en existe déjà un : Creatis, mis sur pied en partenariat avec la ville de Paris. Il s’agit d’une sorte d’incubateur et d’espace de co-working, spécifiquement dédiés aux entrepreneurs culturels. « il s’agit de rassembler ces acteurs en complémentarité », précise Steven Hearn, qui constate que « on a vu que cela créait de l’économie, de l’emploi ». Pour lui, la Région représente la bonne échelle pour penser ces politiques, avec les directions régionales culturelles qui devraient s’emparer de ces problématiques, en sus de celles qui concernent les associations. Mais par ailleurs, le rapport comprend aussi des préconisations pour favoriser ou encourager certaines de ces dernières à basculer vers un statut d’entreprise.

Autre tendance forte, les recommandations de Steven Hearn vont vers une plus grande visibilité et caractérisation des « entreprises culturelles ». Ainsi, il propose notamment que la notion de culture puisse être intégrée dans le champ de l’innovation et incluse dans la définition de l’utilité sociale, af in de permettre aux entreprises culturelles de rentrer dans les dispositifs concernant les entreprises innovantes ou ceux de l’ESS. Par ailleurs, les entreprises culturelles auraient tout intérêt à « se fédérer », note l’entrepreneur, pour avoir une meilleure visibilité, et faire valoir leurs spécificités. Le défi est de taille : faire cohabiter entreprise et culturel. « Ce n’est pas si simple. On nous dit que c’est antinomique », remarque Steven Hearn. Lui même est devenu entrepreneur après un triple cursus en commerce, philosophie et histoire de l’art, suivi d’une expérience de dix ans dans une entreprise de communication comme salarié. Il a démarré par la création de « troisième pôle », une agence d’ingénierie culturelle, qui accompagne les collectivités dans ce domaine. Aujourd’hui, son groupe Scintillo, comporte plusieurs entreprises, et regroupe plusieurs activités, qui vont de la gestion de la Gaîté Lyrique, à Paris, à l’édition, en passant par le cinéma. Reste à savoir si toutes les associations culturelles ambitionnent le même destin.