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L’Etat tente de rentabiliser ses espaces publics en les louant

Disposer des lambris d’un ministère pour organiser une soirée prestigieuse ou tourner un spot publicitaire, c’est possible, il suffit de payer la location. L’Agence du patrimoine immatériel de l’Etat s’efforce de professionnaliser cette pratique.

L’Etat tente de rentabiliser ses espaces publics en les louant

C’est encore une histoire de cheval. Ce 19 mars, l’Apie, l’Agence pour le patrimoine immatériel de l’Etat, organisait sa conférence de presse sur les tournages de films dans les lieux dédiés au service public, dans l’enceinte de la Garde républicaine, où vivent de nombreux chevaux. En plein coeur de Paris, « ces écuries ont gardé leur vocation de quartier de cavalerie », explique le Colonel de Castelbajac. Mais depuis quelques temps, les pur-sang voient passer du monde : des mannequins juchés sur leurs hauts talons, pour un défilé de mode, par exemple. « Nous faisons bénéficier une partie des locaux à des tiers, et notamment le manège, un espace volumineux et intéressant sur le plan architectural (…) Ces ressources vont nous permettre des travaux de rénovation que les budgets publics ne nous auraient pas permis », soulignet- il. La Garde républicaine n’est pas la seule à s’être engagée dans cette démarche. En juillet 2011, la préfecture d’Indre-et-Loire a retiré 20 000 euros de la mise à disposition de locaux, pour le tournage de la série Les hommes de l’ombre, diffusée sur France 2. Quant à la salle où ont été signés les accords de Grenelle, au ministère du Travail, ou celle des pas perdus du Palais de justice de Paris, elles sont devenues le théâtre de dîners professionnels. En ce qui concerne les tournages de films, l’Apie en décompte 500 réalisés dans les lieux qu’elle recense, en 2012, contre 50 en 2009. « Les administrations sont de plus en plus nombreuses à offrir leurs lieux. Il existe une grande diversité de ces sites sur l’ensemble du territoire », explique Danielle Bourlange, directrice générale de l’Apie, qui développe une stratégie pour encourager les organismes publics à rentabiliser leur patrimoine. On peut installer ses caméras dans quelque 450 tribunaux, de nombreuses prisons, une cinquantaine de consulats et ambassades, 70% des préfectures et sous-préfectures, 20 haras…. Et les lieux publics disponibles pour les tournages figurent dans la base de données de la Commission nationale des films de France. Pour l’événementiel, un catalogue spécifique a été mis en ligne sur le site internet de l’Apie. Dîners, cocktails, défilés… l’organisation des événements, « c’est une énorme logistique, mais c’est intéressant en termes d’image et de retombées économiques », estime André Etancelin, responsable de la politique d’accueil des évènements à l’Apie.

Patrimoine packagé
« Dans un film, en moyenne, 25 décors sont nécessaires. Et les professionnels ont besoin de lieux qui n’aient encore jamais été vus à l’écran. On apporte de nouvelles possibilités, d’autant qu’il est souvent moins cher de tourner dans de vrais décors que de les reconstituer », précise André Etancelin. L’organisme a mis en place une grille de tarifs, « avec des prix cohérents avec les prix du marché », explique Danielle Bourlange. « Les tarifs ont été élaborés avec les professionnels du cinéma. Nous avons fait du benchmarking sur le marché privé. (…) Pour le musée Guimet, par exemple, l’Apie a révisé à la baisse la grille des tarifs. En six mois, ils ont réalisé le même chiffre d’affaires que les douze mois précédents », illustre André Etancelin. Dans d’autres cas, les tarifs sont plutôt partis à la hausse. « Certains producteurs ont rechigné, car ils avaient l’habitude de donner une enveloppe de 400 euros », note André Etancelin, pour qui, « aujourd’hui, c’est l’équité pour les sociétés de production (…). Des administrations étaient déjà ouvertes ponctuellement aux tournages. Mais cela se faisait un peu à la tête du réalisateur : si Luc Besson venait, on lui déroulait le tapis rouge. Si c’était un réalisateur inconnu, non ».
Autre facette de cette stratégie, l’organisation. « Pour les tournages, nous avons incité les ministères à avoir (…) un point d’entrée unique pour les professionnels », spécifie Danièle Bourlange. Plus encore, l’Apie incite les organismes publics à aller au devant des professionnels du film, en présentant leur offre au salon du film de Cannes. Toutefois, cette stratégie d’ouverture de lieux publics a ses limites : la priorité demeure les « missions de service public », rappelle Danielle Bourlange. Ainsi , la clause de « l’impondérable » présente dans les contrats a contraint une équipe qui tournait un film dans la cours de l’école Militaire, à Paris, à suspendre son activité pendant une heure : le Président de la République voulait décoller avec son hélicoptère. Reste que l’événementiel peut passer avant le service public. Ainsi, au Conseil économique, social et environnemental, le 27 septembre dernier, une conférence de presse s’est tenue dans un bureau excentré : l’espace normalement dévolu à cet exercice était impraticable à cause de la préparation d’un défilé de haute couture Prada.