Artisanat d'art
Bleu de Cocagne fabrique la vraie toile de Jouy
L'association Bleu de Cocagne a présenté à Amiens, sur le site Cosserat, la machine qui produit les célèbres toiles de Jouy. Un savoir-faire rare de l'impression sur étoffe remis en œuvre par l'association amiénoise qui s’est investie dans la restauration et la mise en valeur des cylindres historiques de Jouy.
L'association Bleu de
Cocagne a remporté le concours du plus grand musée de France
proposé par Allianz courant mars, pour la remise en service
des cylindres historiques de Jouy de 1850 qui permettent
d'imprimer sur velours. Ce projet faisait partie des trois
sélectionnés sur l'ensemble des cinq départements
des Hauts-de-France. C'était également le seul pour
Amiens Métropole.
En effet, en 1775 à Amiens, Alexandre Bonvalet
invente cette machine. « Alors que des milliers de machines
de ce type ont imprimé dans tous les pays du monde, celle-ci est la
dernière présente en Europe et a pu être sauvée grâce à notre
association. Il s’agit d’un monument de l’industrie textile de
25 tonnes et d’une puissance de 25 Cv. Elle est devenue Patrimoine
remarquable de la ville d’Amiens qui suit de près sa restauration
sur le site des usines Cosserat, au terme de 10 000 heures de travail
bénévole, cette dernière machine à imprimer est en fin de
remontage, souligne Yves Benoit,
président de l'association. D’ici peu, non seulement
elle produira les célèbres toiles de Jouy, mais elle permettra de
transmettre les savoir-faire immatériels de l’impression sur
étoffes. »
La machine SACM 1928, une géante de 25 tonnes
Bleu de Cocagne a réussi
à rapatrier le dernier exemplaire de cette machine de
Tournon-sur-Rhône. Arrivée en pièces détachées à Amiens, elle a
été restaurée puis remise en service, grâce à l'ingéniosité et
à la ténacité des bénévoles. Ingénieux, tenaces,
professionnels, les bénévoles sont compétents en soudure,
électricité, chaudronnerie, mécanique, bâtiment,
histoire... Certains, anciens salariés de Cosserat, sont la mémoire
vivante de l'entreprise qu'ils ont à cœur de partager.
La
manufacture Cosserat était en effet réputée en Europe pour
l’excellence de ses velours. Il leur a fallu 15 000 heures de
travail pour remettre en marche la SACM 1928. Et elle fonctionne: les
premiers essais sont concluants. Cependant, il reste encore quelques
finitions pour garantir la stabilité d'une production de qualité.
« Pour l'installer à Amiens, il a fallu consolider le sol et
restaurer le bâtiment. Pour la remonter, il a fallu enquêter en
Europe afin de retrouver certaines subtilités de son fonctionnement.
Exemple : 18 mois de recherche pour définir la fermeté du
tapis d'entraînement. Il faut préciser qu'il est long de 30 mètres.
Cette performance retrouvée, l’achat du tapis a été facilité
par l'aide de l’État et des collectivités territoriales », illustre Yves Benoit, ingénieur chimiste, ennoblisseur textile,
meilleur ouvrier de France, maître d'Art. Il est en train de
transmettre les différentes facettes de ces métiers d'Art, qu'il
maîtrise. Bleu de cocagne a également bénéficié d'opérations de
mécénat de compétences de la part d'entreprises locales.
Une qualité inégalée
Si la réputation de la toile de Jouy est bien établie, avec ses motifs champêtres, ses tons doux qui ont un charme fou, la SACM 1928 sort des dessins imprimés hyper-précis et d'une finesse inouïe. Rien à voir avec les produits importés qu'on trouve sur le marché. D'ores et déjà, Bleu de Cocagne est donc fière de démontrer que l'impression au rouleau gravé en creux est d'une qualité supérieure. Par ailleurs, des créations actuelles sont vivement souhaitables et fidèle à la tradition d'innovation. Yves Benoit a lancé des appels à projets auprès de deux écoles : l'ESAD à Amiens et Boulle à Paris. Des propositions d'artistes contemporains sont attendues pour faire vivre une production "Bleu de Cocagne".
L'association Bleu de Cocagne fait revivre les métiers du velours
Depuis 27 ans
l'association loi 1901 reconnue d'intérêt général, collecte,
restaure et remet en service des machines anciennes, construites
suivant les préceptes des inventeurs de l'Amiénois : Alexandre
Bonvalet, Adrien Delarche, Raymond Dewas, les dynasties Cosserat et
Saint. Véritable conservatoire textile d'Amiens, Bleu de cocagne est
installée sur le site de la Manufacture Cosserat (1794-2012) dans
les locaux de la ville. Bleu de Cocagne y aligne des collections
importantes de documents, archives, catalogues, échantillons de
tissus, qui seront présentés et accessibles au public et aux
chercheurs dans le nouvel espace muséal. Elle dispose d'un ensemble
de 16 machines rares, protégées par l'inscription à l’inventaire
supplémentaire des Monuments Historiques du ministère de la
Culture. Elles sont de véritables courroies de transmission des
savoirs qui seront pérennisés par des vidéos. Bleu de Cocagne
évoque le bleu issu de la waide. Cultivée au Moyen-Age dans
l'Amiénois, cette plante est restée longtemps la seule source de
teinture en bleu, une teinte très complexe à mettre en œuvre. Les
feuilles fermentées, écrasées, séchées, étaient conservées en
petites boules, dites coques ou cocagnes faciles à transporter. Ces
cocagnes ont généré la fortune colossale des négociants amiénois
et ont fait leur réputation en Angleterre et en Europe du Nord.
Amiens devint le pays de cocagne. Les waidiers ont cofinancé la
construction de la cathédrale d'Amiens, un édifice exceptionnel, la
plus haute et la plus vaste cathédrale gothique de France, bâtie
d'un seul jet, en 60 ans. Bleu de Cocagne reçoit des groupes de
visiteurs sur réservation.