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Avis de tempête sur la filière nautique

Plombée par la crise sanitaire, la filière nautique a toutefois bénéficié d’une bonne saison estivale. « Une divine surprise » qui est aussi le reflet d’une montée en puissance de la filière depuis quelques années. Reste à savoir si elle pourra surfer sur cet élan.

En 2014, derniers chiffres dont nous disposons, le secteur du nautisme représentait 323 millions d’euros de retombées économiques directes et induites dans les Hauts-de-France. © Aletheia Press / Benoit Delabre
En 2014, derniers chiffres dont nous disposons, le secteur du nautisme représentait 323 millions d’euros de retombées économiques directes et induites dans les Hauts-de-France. © Aletheia Press / Benoit Delabre

Ports de plaisance, industrie nautique, commerce de bateaux, services… Cette année 2020 aura réservé son lot de surprises aux acteurs de la filière nautique. Mise à mal, comme d’autres, par le confinement, elle a su réagir rapidement dès le 11 mai. Ainsi, les ports de plaisance des Hauts-de-France ont mis les bouchées doubles pour rouvrir leurs portes en toute sécurité. Des chartes ont été montées, avec des protocoles sanitaires stricts. En mai et juin, cette action collective a permis au préfet des Hauts-de-France de prendre la décision d’ouvrir les ports, et ce, de manière sereine. En parallèle, des campagnes de communication ont été menées. « Nous avons, par exemple, fait une campagne importante sur les réseaux sociaux, baptisée “On se revoit sur l’eau !” », raconte Sylvie Logié, chef de projet Plaisance au Pôle métropolitain de la Côte d’Opale.

Bonne fréquentation estivale

Résultat : une saison estivale qui s’est plutôt bien passée. Elle a même été extrêmement bonne pour les secteurs du sport, de la voile et les clubs nautiques. Du côté de la Fédération des industries nautiques (FIN), on va jusqu’à évoquer « une divine surprise ». Bien sûr, la clientèle étrangère n’était pas au rendez-vous. Sans grande surprise. « Les Belges sont venus… mais pas en bateau », sourit, amère, Sylvie Logié.

Mais les Français, eux, étaient bien là. « Nous avons bénéficié de la fréquentation des Français, qui ont plébiscité le tourisme vert et bleu cette année », confirme Sylvie Logié. Profitant d’une météo très favorable et d’une envie de grand air suite au douloureux épisode du premier confinement, les plaisanciers ont repris très tôt et activement le chemin des ports. Les écoles de voile ont fait le plein, et ce, jusqu’à l’automne. « Cela va permettre de compenser en partie la catastrophe de la période de confinement », se félicite Stéphan Constance, le vice-président de la FIN. Même si, au final, l’année restera mauvaise, avec une baisse de chiffre d’affaires annuelle estimée à 30%.

“Nous avons tout intérêt à être très réactifs”

Une tendance favorable

L’optimisme reste toutefois de mise. Yves Lyon-Caen, président de la FIN l’affirme : « Il y a un phénomène de changement de mode de vie qui pourrait être durable. On constate une migration de la ville vers le rural et un certain mouvement vers la mer. Les bateaux ont été plus utilisés cet été, et on voit arriver une nouvelle clientèle. » « Si les valeurs qui ont émergé à la sortie du premier confinement se confirment, on pourrait avoir un élan vers le nautisme l’année prochaine », confirme Sylvie Logié.

Pas question, toutefois, d’attendre sans rien faire. Sylvie Logié insiste : « Nous avons tout intérêt à être très réactifs durant les mois qui sont devant nous. Les ports doivent notamment s’adapter aux nouveaux modes de consommation. » L’ADN d’un particulier réside dans la souplesse et la simplicité. Exit donc le fonctionnement traditionnel des ports. Boat clubs, systèmes de location, échanges entre particuliers… de nouveaux services doivent voir le jour. En parallèle, des efforts doivent être faits pour structurer l’offre touristique régionale. « L’offre n’est pour l’heure pas suffisante dans notre région pour susciter la demande », déplore Sylvie Logié, qui rappelle qu’un plaisancier aime à quitter son bateau pour découvrir le territoire et consommer.

Les salons annulés

Autre épine dans le pied de la filière : les annulations successives des plus grands salons du nautisme, partout en France et en Europe, plombent ce bel optimisme. En effet, 70% des ventes annuelles en France sont réalisées lors des salons nautiques automne-hiver. Fabricants et concessionnaires ont déjà tous revu à la baisse leurs prévisions pour 2020, et un fort impact est déjà enregistré sur l’emploi intérimaire. Pas sûr donc que la tempête soit passée…

La saison estivale s’est plutôt bien passée. Elle a même été extrêmement bonne pour les secteurs du sport, de la voile et les clubs nautiques. © Aletheia Press  / Benoit Delabre


2019 : une année repère pour la filière

En 2019, la filière de l’industrie nautique comptait plus de 5 500 entreprises générant 45 000 emplois directs et 100 000 emplois indirects. Pour Yves Lyon-Caen, président de la Fédération de l’industrie nautique, « 2019 est et restera une année repère pour retrouver le cap ». En France, on a enregistré 5,3 milliards d’euros de chiffre d’affaires, soit une hausse de plus de 5% par rapport à 2018. Une année qui elle-même avait connu une croissance similaire par rapport à 2017. Cette croissance se répartit à raison de +7,3% pour l’industrie et +3,8% pour les services. Les Hauts-de-France à eux seuls génèreraient 174 millions d’euros de chiffre d’affaires à travers 222 entreprises et plus de 800 emplois directs (chiffres 2015).

L’évolution des ventes de bateaux neufs reste un bon baromètre : +2,6% en 2019, après une baisse en 2018. « C’est un marché qui reste fragile », note Yves Lyon-Caen, pour qui le marché de l’occasion reste un élément central. « Ce marché a crû parallèlement à celui du neuf, avec une hausse de 3% par rapport à 2018. C’est un marché animé qui joue un rôle important de démocratisation de la plaisance. » En effet, fini le cliché du loisir réservé aux cadres supérieurs : plus de 30 000 acheteurs sont issus des catégories socio-professionnelles intermédiaires. « La preuve de la profondeur de ce marché de la plaisance », insiste Yves Lyon-Caen.