Sauvegarder l'article
Identifiez vous, pour sauvegarder ce article et le consulter plus tard !

Accord emploi : un texte aux ambitions limitées

L’accord du 11 janvier sur la sécurisation de l’emploi assouplit certaines règles du licenciement, garantit plus de sécurité juridique aux employeurs et accorde de nouveaux droits aux salariés. Sans remettre, toutefois, fondamentalement en cause la lourdeur et la complexité du droit du travail.

Accord emploi : un texte aux ambitions limitées

On se souvient que la conférence sociale de juillet 2012 avait conclu que, face à la forte dégradation de la situation de l’emploi, dont les principales victimes sont les salariés précaires et ceux touchés par des licenciements, les partenaires sociaux devaient négocier ,au niveau national interprofessionnel, les conditions d’une meilleure sécurisation de l’emploi. Les discussions ont duré plus de trois mois, pour aboutir au projet d’accord national interprofessionnel (ANI) du 11 janvier. Certains ont salué cette méthode de travail qui consiste d’abord à laisser les partenaires sociaux discuter, voire formaliser, un accord avant de le soumettre au Parlement. On rappellera cependant que cette méthode n’est pas particulière puisqu’elle a déjà été utilisée pour d’autres textes, comme la loi du 25 juin 2008 sur la Modernisation du marché du travail qui faisait suite à l’accord national interprofessionnel du 11 janvier 2008. En outre, suivant l’article L 1 du Code du travail, tout projet de réforme envisagé par le gouvernement, qui porte sur les relations individuelles et collectives du travail, doit faire l’objet d’une concertation préalable avec les organisations syndicales de salariés et d’employeurs représentatives au niveau national et interprofessionnel, en vue de l’ouverture éventuelle d’une négociation.
L’ANI du 11 janvier devrait être signé par trois centrales syndicales (CFDT, CFTC et CFE-CGC), mais rejeté par FO et la CGT.
Accord « historique » pour les uns, « inacceptable » pour les autres, ce texte, à notre avis, ne mérite pas les superlatifs que certains lui donnent. Certes, il assouplit certaines dispositions en matière de licenciement, garantit plus de sécurité juridique aux employeurs en réduisant la prescription en cas de contentieux, accorde de nouveaux droits aux salariés. Toutefois, cet accord ne remet pas fondamentalement en cause la lourdeur et la complexité du droit du travail. Gageons même qu’il ne modifiera que peu de choses pour les petites entreprises.
Enfin, l’ANI n’entrera en vigueur qu’après l’adoption de l’ensemble des dispositions législatives et réglementaires nécessaires à son application.

Nouveaux droits des entreprises
On se souvient que l’ancien président de la République avait souhaité, début 2012, la mise en oeuvre d’accord de compétitivité – emploi afin de permettre aux entreprises en difficulté de négocier le niveau des salaires ou le temps de travail, pour éviter les licenciements. La Chambre sociale de la Cour de cassation avait également décidé que « l’instauration d’une modulation du temps de travail constitue une modification du contrat de travail qui requiert l’accord exprès du salarié ». L’article L. 3122-6 issu de la loi Warsmann de simplification du droit du 22 mars 2012 dispose désormais que « la mise en place d’une répartition des horaires sur une période supérieure à la semaine et au plus égale à l’année, prévue par un accord collectif ne constitue pas une modification du contrat de travail ». Si les accords de compétitivité-emploi n’ont pas vu le jour, les discussions ont consacré les « accords de maintien dans l’emploi ». Le but, à côté de dispositifs existants tels que le chômage partiel, est de donner aux entreprises la possibilité de pouvoir adapter le temps de travail et les rémunérations des salariés, sans pouvoir toutefois déroger aux dispositions d’ordre public social (et notamment, le Smic, la durée légale, durées maximales quotidiennes et hebdomadaires, repos quotidien et hebdomadaire, congés payés légaux, législation relative au 1er mai), ni aux dispositions des accords de branche pour lesquelles les dérogations ne sont pas possibles (salaires minima, classifications…). Si la négociation de tels accords est possible, le texte adopté l’entoure de plusieurs précautions.

Mode d’emploi
Avant d’ouvrir les négociations, employeur et représentants du personnel devront établir un diagnostic partagé sur la situation économique de l’entreprise à partir d’un certain nombre d’éléments d’ordre financier, économique et social (évolution du chiffre d’affaires, état prévisionnel de l’activité et de la trésorerie,…) A cet effet, les représentants du personnel pourront faire appel à un expert-comptable de leur choix, financé par l’entreprise.
Autre condition, il devra s’agir d’un accord majoritaire (signé par un ou plusieurs syndicats représentant au moins 50 % des suffrages exprimés au 1er tour des précédentes élections professionnelles). En l’absence de délégués syndicaux, l’accord pourra être signé avec les représentants élus ayant reçu délégation d’une ou plusieurs organisations syndicales représentatives dans la branche, ou avec un ou plusieurs salariés ayant reçu délégation. Dans ce cas, il doit être approuvé par les salariés compris dans le champ de l’accord à la majorité des suffrages exprimés.
L’accord ne pourra pas excéder deux ans. L’employeur devra s’engager à maintenir dans l’emploi les salariés concernés pour une durée au moins égale à celle de l’accord. L’accord devra comporter des garanties telles que le partage du bénéfice économique de l’accord arrivé à échéance et les sanctions en cas de non-respect de celui-ci. Il doit aussi prévoir les conséquences d’un retour à meilleure fortune sur la situation des salariés qui ont consenti des efforts.
Dès lors que l’accord est signé, le salarié doit cependant donner son aval individuel. En cas de refus, la rupture du contrat de travail s’analyse en un licenciement économique. Toutefois, la procédure est allégée puisque l’entreprise est exonérée de l’ensemble des obligations légales et conventionnelles qui auraient résulté d’un licenciement collectif pour motif économique. L’entreprise devra cependant prévoir « des mesures d’accompagnement », que l’ANI du 11 janvier ne décrit pas.
En outre, l’accord pourra être remis en cause à l’initiative:
– de l’employeur qui fait état d’une détérioration importante de la situation économique, ne permettant pas d’atteindre les objectifs fixés en poursuivant l’application de l’accord;
– des organisations syndicales de salariés en cas de conflit sur le non-respect de l’accord;
– de l’une ou l’autre partie, en cas d’amélioration significative de la situation de l’entreprise, justifiant une telle mise en cause.
Le tribunal de grande instance territorialement compétent pourra être saisi en cas de désaccord des parties. Les juges pourront, dans un premier temps, prononcer la suspension de l’accord pendant une durée déterminée. Ils pourront, ensuite, soit autoriser sa reprise pour le temps restant, soit prononcer la résolution judiciaire. Par ailleurs, l’accord devra comporter une clause pénale qui s’appliquera s’il est prouvé que l’employeur n’a pas respecté les termes.
Dans l’hypothèse où des ruptures de contrat de travail feraient suite à la mise en cause de l’accord collectif, le calcul des droits des salariés se ferait sur la base de leur situation antérieure : indemnité de licenciement, préavis, calcul des indemnités chômage sur la base des paramètres antérieurs à l’accord.