Dossier : Environnement au cœur des territoires
Suez : vers une gestion vertueuse du cycle de l'eau
Innovations dans la région, enjeux environnementaux et sociaux… Sylvie Barbon-Leroy, directrice de l'agence Terre et Côte d'Opale de Suez Hauts-de-France - 40% de parts de marché et 1,3 million d'usagers -, nous donne un éclairage sur le cycle de l'eau telle que nous l'utilisons au quotidien, et comment faire pour que son cycle soit de plus en plus écoresponsable.

Quelles sont les activités de Suez Hauts-de-France ?
Suez est un acteur mondial de l'eau, de l'environnement, du recyclage et de la valorisation des déchets depuis 160 ans. Nous sommes présents dans 40 pays, avec 40 000 collaborateurs. En Hauts-de- France, pour l'activité eau, nous sommes 1 100 collaborateurs et desservons 1,3 million d'habitants. Cela représente 40% de parts de marché dédiées aux entreprises privées, c'est-à-dire en dehors des services qui sont gérés directement par les collectivités.
Quel est le cycle de l'eau gérée par Suez ?
Nous la prélevons dans les nappes souterraines, nous la traitons et l'acheminons jusqu'aux domiciles. Une fois que vous l'avez utilisée chez vous - douche, vaisselle, etc. -, elle est rejetée dans un réseau de collecte qui l'achemine vers une station d'épuration. Là, on la traite à nouveau pour la rendre à la nature... On utilise l'eau tous les jours sans forcément se poser la question de sa provenance. Nous faisons un métier très invisible, quelque part. Mais derrière, il y a des métiers porteurs de très belles valeurs : fournir de l'eau aux gens, cela fait sens. Nos collaborateurs sont naturellement fiers du métier qu'ils exercent.
Pourquoi les eaux usées sont-elles peu réutilisées ?
Beaucoup de gens pensent en effet qu'ils boivent l'eau issue des stations d'épuration. Mais de fait, cela se fait encore très peu en France. Nous sommes à moins de 1%, alors qu'un pays comme Israël - où l'on manque d'eau -, est à 91% de réutilisation. L'Italie et l'Espagne sont à 7-10%. Nous sommes un peu en retard sur cet aspect-là, parce qu'on est dans une situation historique où il y a de l'eau en France. Mais à l'aune du changement climatique, qui se manifeste par les épisodes de sécheresse ou d'inondations que nous connaissons, nous entrons dans une autre ère de l'eau. Sa réutilisation est clairement un levier sur lequel nous travaillons. Techniquement, c'est facile à faire, mais d'un point de vue réglementaire, c'est beaucoup plus compliqué. Même si la législation évolue peu à peu.
La région expérimente des solutions pour devenir l’un des territoires les plus efficaces en matière d’économie connectée et durable. Les Hauts-de-France sont-ils précurseurs ?
Nous avons la chance d'avoir des clients en région qui aiment les innovations, et sont très engagés pour le développement durable. Si on prend le territoire dunkerquois, c'est un très bel exemple pour illustrer tout ce qui se fait en termes d'innovations et d'adaptation au changement climatique. C'est un polder, donc sous les pieds des habitants il n'y a pas d'eau potable, seulement de l'eau salée. On va ainsi la chercher dans les terres, près de Saint-Omer. La Communauté urbaine de Dunkerque et le Syndicat de l'eau du Dunkerquois se sont ainsi préoccupés très tôt de la préservation de cette ressource, à en être économes. Actuellement, leur rendement de réseau (l'eau prélevée rapportée à celle qui arrive chez l'usager, ndlr) est de 91%, contre une moyenne française à 75%. Il y a beaucoup d'investissements sur la rénovation des canalisations, avec de la technologie de pointe comme des capteurs acoustiques pour détecter les fuites, etc.
Quelles sont les autres exemples d'innovations dans la région ?
Nous avons notamment testé deux techniques innovantes : l'une avec la société Acwa Robotics, le premier robot à être introduit dans des canalisations d'eau potable en France. Une autre technologie de pointe se situe à Calais où, avec l'entreprise belge Fluves nous testons l'écoute des fuites par fibre optique. Au niveau de l'analyse de l'eau enfin, nous avons des capacités beaucoup plus fines qu'auparavant, et les services de l'État y travaillent activement. Ce qui fait aussi que fatalement, on peut trouver des molécules que l'on ne cherchait tout simplement pas avant.
Comment agir sur la consommation d'eau ?
Par les impacts du changement climatique - on l'a vécu dernièrement avec les épisodes de sécheresse et les inondations -, il y a bien sûr des enjeux de taille. L'un des leviers est en effet de jouer sur la quantité. Déjà, réutiliser davantage l'eau des stations d'épuration, d'autant plus lorsque nous sommes sur le littoral et que l'eau part directement à la mer : on ne priverait ainsi pas la nature en la réutilisant. L'autre levier est de poursuivre l'accompagnement des usagers pour la baisse de leur consommation d'eau, grâce aux compteurs connectés (62% des compteurs Suez dans la région), qui permettent aux habitants de contrôler leurs volumes. Dans les Hauts-de-France, la moyenne est d'ailleurs assez basse, à 67 m3 par foyer par an. En deux ans, la consommation a baissé de 5%, ce qui est conséquent. Il y a eu une véritable prise de conscience avec la sécheresse de l'été 2022…
Et du côté de l'industrie, souvent très gourmande en eau ?
Il y a un un accompagnement fort de la part des services de l'État, qui est assez drastique sur le sujet puisque tous les industriels doivent baisser leur consommation de 10%. La direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL) s'assure que tous les systèmes pour utiliser le moins d'eau possible et la recycler le plus possible dans le process sont mis en place.
Suez est cotée en Bourse et 3% des parts reviennent aux collaborateurs… cela fait-il partie d'une dynamique RSE globale ?
Côté environnemental, nous travaillons évidemment avec une politique 'zéro phyto' [ produits phytosanitaires comme les pesticides, ndlr]. Nous sommes également très attachés à l'innovation sociale. Cela fait partie de notre ADN. Les compteurs d'eau - nous en avons 640 000 dans la région -, ont une durée de vie de 25 ans. Il y avait donc une possibilité de recyclage et nous avons lancé un projet en novembre dernier en Picardie avec l'Établissement et service d'accompagnement par le travail (ESAT) Le Clos du Nid de l'Oise, où des personnes souffrant de handicap, vont démanteler 40 000 compteurs par an, ce qui nous permettra de recycler 90% de la matière. Il n'y avait pas de filière existante auparavant dans ce domaine. Nous sommes fiers de le faire, qui plus est de manière inclusive. Nous essayons par ailleurs d'intégrer nos stations d'épuration dans leurs quartiers, en essayant de rendre visible ce métier invisible, en le rendant plus ouvert aux habitants. Nous avons également fait un virage sur nos bilans de consommation carbone. Nous le réduisons, mais cela à des limites, alors, entre autres, nous accompagnons des agriculteurs à la transition écologique, ce qui a une belle résonance…
En chiffres
1 100 collaborateurs
1,3 million d'usagers
220 millions d'euros de CA