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BD du mois

Avec un début d'année riche en publications, difficile de s'y retrouver dans la profusion des nouveaux titres. Petite sélection de quelques BD à ne pas manquer.

BD du mois

La Flamme

Après les remarquables Bandonéon et Chère Patagonie, le scénariste et dessinateur Jorge González publie un nouveau roman graphique où le football est saisi comme un héritage familial et social. Le récit s’ouvre en 1904 à Buenos Aires, dans le quartier d’Avellaneda, alors que se négocie la construction du premier stade de football du club du Racing. Au même moment naît José Maria González, un futur grand joueur de ce club surnommé “llamarada”, la flamme, à cause de sa chevelure qui lui donnait une allure de fusée quand il courait derrière le ballon. Un personnage inspiré du grand-père de l’auteur de ce superbe ouvrage qui retrace ainsi une généalogie intime liée à la passion du football et transmise de pères en fils sur quatre générations. Une démarche autobiographique où il explore sa mémoire familiale, plongeant dans la matière des souvenirs racontés, transmis et vécus à travers une magnifique palette picturale.

Dupuis. Collection Aire Libre.

 

Basquiat

Audacieux dans sa forme – au long du récit, Basquiat dialogue avec une silhouette familière issue de ses toiles incarnant sa conscience et sa mémoire –, cet impressionnant roman graphique relate la vie chaotique du célèbre artiste new-yorkais tragiquement disparu à l’âge de 27 ans. La BD s’ouvre d’ailleurs par son overdose mortelle survenue le 12 août 1988 avant d’opérer un flashback sur son enfance à Brooklyn, ses origines haïtienne et portoricaine, ses premiers graffitis, sa vie trépidante dans le bouillonnant Lower Manhattan, sa rencontre avec Andy Warhol, puis sa fulgurante ascension au cœur de l’aristocratie artistique et musicale de l’époque, de Blondie à Keith Haring, en passant par Madonna et Klaus Nomi. Imprégnée des grands courants culturels de l’époque, son œuvre reflète aussi la scène artistique new-yorkaise de la fin des années 1970. Même si la trajectoire borderline de Basquiat fraye ici parfois avec l’anecdotique, cette biographie ne cède pas aux écueils de l’hagiographie et n’hésite pas à dévoiler le côté obscur de l’artiste. Signée Julian Voloj (scénario) et Søren Mosdal (dessin), une BD à l’énergie fiévreuse qui épouse l’urgence créatrice de Basquiat.

Soleil.

 

Dans les eaux glacées du calcul égoïste

Infiltré dans le milieu du surréalisme parisien de la fin des années 1920, Virgil de La Roche – vétéran de la Première Guerre mondiale, fasciste et antisémite –, se laisse peu à peu séduire par les personnalités qu’il fréquente : Luis Buñuel, Salvador Dalí, Jean Cocteau, Nathalie Paley, Marie-Laure et Charles de Noailles… Cependant il lui faut mettre la main sur la pellicule du film clandestin L’Âge d’or, circulant sous le faux nom emprunté à Karl Marx : Dans les eaux glacées du calcul égoïste. Ecartelé entre sa fascination pour un monde inconnu et la mission assignée par ses supérieurs, Virgil joue les équilibristes mais jusqu’à quand ? A travers une histoire très documentée et une parfaite maîtrise narrative, le romancier Lancelot Hamelin nous plonge dans le Paris surréaliste du début du XXe siècle et les enivrantes soirées des années folles. Second volet d’un indispensable diptyque, La Fin de l’Âge d’or brille aussi par le trait élégant de Luca Erbetta qui oscille entre le réalisme des personnages et l’approche plus instinctive des décors.

Glénat.

 

Sur la route de West

Découverte avec Spinning, roman graphique autobiographique, Tillie Walden publie un road trip onirique qui suit les pas de Béa, une jeune femme qui s’enfuit du domicile familial. Errant dans une ville du Texas, elle se fait prendre en stop par Lou, une voisine de dix ans son aînée, partie elle aussi à l’aventure avec sa caravane. Alors qu’elles se dirigent vers San Angelo, chez les grands-parents de Lou, la découverte de Diamond, une chatte aux mystérieux pouvoirs, les conduits vers West, une ville inconnue sur les cartes, transformant leur périple en voyage initiatique… Oscillant entre réel âpre – un lourd passé familial pèse sur les épaules des jeunes femmes – et fantastique envoûtant, le récit bascule dans une veine poétique, aux limites du surnaturel, lors de l’apparition de Diamond. Si les dialogues sont parfois un peu trop surlignés, le dessin révèle la grande sensibilité de sa jeune autrice. Une attachante BD féministe et intimiste.

Sur la route de West (Traduit de l’anglais (États-Unis) par Alice Marchand – Gallimard).

 

Green Class

Deuxième volet d’une série questionnant les codes du genre post-apocalyptique, Green Class met en scène un groupe de jeunes canadiens plongés en pleine apocalypse pandémique, au cœur des angoissants marais de Louisiane. Cinq d’entre eux choisissent de rester dans la zone de quarantaine, aux côtés de Noah, un de leurs amis, infecté par le mystérieux virus qui transforme les humains en monstres végétaux. Alors que tout semble perdu pour lui, Noah «appelle» un gigantesque mutant à la rescousse, qui les emmène lui et sa sœur. Une nouvelle étape commence pour les quatre autres dans une zone où de mystérieux militaires communiquent avec les infectés. Mais tous les humains présents n’entendent pas pactiser… Dès les premières pages, Jérôme Hamon (scénario) et David Tako (dessin) malmènent nos certitudes pour mieux révéler leurs personnages. L’écriture fouillée du scénariste fait la part belle à la psychologie tandis que le dessinateur alterne intimisme et grand spectacle avec la même élégance. Un second tome accompli qui laisse augurer le meilleur pour la suite de la série.

L’Alpha (Le Lombard).

 

Amazonie

Ce cinquième et dernier tome s’ouvre alors que Kathy Austin et Délio découvrent enfin le fameux sous-marin allemand au cœur de la forêt amazonienne, objet de toutes les convoitises et de nombres d’interrogations. En attendant de lever ses énigmes, d’autres secrets s’apprêtent à être dévoilés comme celui de l’étrange créature qui hante Amazonie depuis les débuts de la série ou celui des mystérieux engins qui ont survolé le Nouveau-Mexique, du côté de Roswell, quelques années plus tôt. Ou encore cette pierre mystérieuse qui suscite la curiosité de deux membres de la Bram Stoker Society. Le puzzle est proche d’être assemblé… Servis par le trait réaliste de Bertrand Marchal, les coscénaristes Leo et Rodolphe nous entraînent avec bonheur  dans le foisonnement fécond d’intrigues entrecroisées. Amazonie oscille ainsi entre aventure et science-fiction, entre espionnage et fantastique, tissant une toile narrative touffue dans laquelle s’abandonne  avec jubilation le lecteur jusqu’à son épilogue plus ouvert qu’attendu…

Dargaud.

 

Divine

Surnommée par la presse «la Divine», Sarah Bernhardt (1844-1923) est considérée comme la plus grande tragédienne française du XIXe siècle. Ce personnage éminemment romanesque méritait bien une BD à la hauteur de son aura. Le récit s’ouvre en 1871 alors que la France et sa capitale viennent de connaître des mois sombres. Pendant le conflit avec la Prusse, qui a affamé Paris assiégé, Sarah avait transformé le théâtre de l’Odéon en hôpital et s’était muée en infirmière. Alors que la vie reprend son cours, Sarah doit faire ses preuves sur les planches et jouer dans une pièce qui démontrera toute l’étendue de son talent. Victor Hugo se présente alors et lui propose le rôle de la reine dans son Ruy Blas. Les deux artistes se découvrent des affinités et la pièce connaît un immense succès… Soit le premier triomphe d’une comédienne éloignée du conformisme de l’époque qui n’hésitera pas à jouer selon son envie des rôles féminins ou masculins. Elle devint rapidement une muse pour Edmond Rostand, Marcel Proust ou Sacha Guitry… et Jean Cocteau inventa pour elle l’expression de «monstre sacré». Eddy Simon (scénario) et Marie Avril (dessins) signent une biographie aussi libre que la vie de cette femme hors du commun, féministe avant l’heure, qui milita contre la peine de mort et soutint Zola dans l’affaire Dreyfus.

Futuropolis.