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LES PANICULTEURS, ENTRE AGRICULTURE PAYSANNE ET BOULANGERIE ARTISANALE

Dans le fournil, le pain lève pendant que le four atteint la bonne température pour la cuisson.
Dans le fournil, le pain lève pendant que le four atteint la bonne température pour la cuisson.

Au nord d’Amiens, dans la petite commune de Talmas, Marion Bacrot et Grégoire Archier ont tenté le pari, un peu fou aux yeux de certains, d’associer une activité paysanne avec celle de la boulangerie. En adoptant cette manière de produire, il était évident pour le jeune couple de pratiquer une agriculture biologique.

Passer le cap de la trentaine est souvent l’occasion de se remettre en question. Pour Marion et Grégoire, ce questionnement les a fait quitter Paris pour s’installer en pleine campagne picarde afin de devenir “paniculteurs”. Ce terme, inventé par le couple, désigne le métier de paysan-boulanger. Marion Bacrot et Grégoire Archier gèrent ainsi l’ensemble de la chaîne de production, de l’ensemencement du blé jusqu’à la vente du pain au consommateur, en passant par le moissonnage et le pétrissage. C’est donc en 2016 qu’ils décident de créer leur Groupement agricole d’exploitation en commun (Gaec) sur les 20 hectares de terres familiales. « J’ai grandi sur l’exploitation de mes parents. Après le décès de mon père, on s’est demandé ce qu’on voulait faire de ces terres. Avec Grégoire, on s’est dit que ce serait vraiment dommage de s’en séparer, on a donc monté ce projet », explique Marion Bacrot.

UN MODE DE PRODUCTION RÉFLÉCHI

En s’installant à Talmas, Marion Bacrot et Grégoire Archier se sont lancé un défi : « On doit pouvoir vivre avec seulement 20 hectares de terres. » Pour réussir, ils ont mis en place un modèle simple. « Sur notre exploitation, on cultive uniquement du blé biologique, de la prairie, ainsi que des bois. Nous avons mis en place une rotation des terres, afin qu’elles se régénèrent. Les bois forment la surface de biodiversité nécessaire pour obtenir la labellisation Agriculture biologique (AB) », précise Marion Bacrot. De l’aveu même des paniculteurs, la partie agricole demande relativement peu de temps au long de l’année « mais énormément d’énergie lors de certains travaux, tels que l’ensemencement et les moissons ». C’est grâce à cette monoculture qu’ils arrivent à cumuler l’activité de meunerie puis de boulangerie. En effet, Marion et Grégoire fabriquent eux-mêmes leur farine avec leur blé, grâce à un moulin à meule de pierre Astrié, du nom des deux frères inventeurs du système. Quant au four à pain, il carbure avec le bois issus du domaine.

CULTIVER BIO, TOUT UN SAVOIR-FAIRE

Depuis des décennies, la France a délaissé l’agriculture paysanne au profit d’une agriculture intensive, qui permet certes de produire plus, mais à grand renforts d’engrais chimiques et de pesticides. Les impacts néfastes sur l’environnement et la santé humaine sont désormais bien connus. Une conséquence moins connue est celle d’un savoir-faire qui a pratiquement disparu. Développer une agriculture biologique nécessite l’apprentissage de nouvelles méthodes de travail visant à gérer l’intrusion de parasites tout en respectant l’environnement. « Produire en bio est très technique. On y met vraiment du cœur et de l’énergie », soutient Marion Bacrot. Ils ont acquis ce savoir-faire dans le Jura, en préparant un Brevet professionnel responsable d’entreprise agricole (BPREA) de paysan boulanger. Évidemment, produire de cette manière n’est pas de tout repos. « C’est parfois compliqué. Il nous arrive d’avoir des petites montées d’adrénaline. Cela demande beaucoup de réflexion également, pour trouver les solutions adéquates en cas de soucis », affirme la paysanne-boulangère. Cependant, la satisfaction de ne pas nuire à l’environnement et de vendre des produits sains prend toujours le dessus. « Même si certains moments peuvent être difficiles, c’est super gratifiant de pratiquer une agriculture biologique, ça respire la santé. Quand on se promène à travers nos cultures, il y a beaucoup de papillons, beaucoup de fleurs. Au final, le stress est mille fois compensé, affirme Marion Bacrot, en cultivant bio, je n’ai aucune appréhension lorsque mes enfants se promènent au milieu des cultures. »

UN MODÈLE QUI TIENT LA ROUTE

Deux fois par semaine le couple est au fournil pour le pétrissage, le façonnage et la cuisson du pain, avec la farine fraîchement moulue. La production est vendue directement à la ferme. En très peu de temps Marion Bacrot et Grégoire Archier ont réussi à se créer une clientèle fidèle et curieuse. Chaque semaine, la boulangère envoie un mail aux clients qui le souhaitent, afin de présenter les produits. « En maîtrisant l’ensemble de la production, je suis assurée de la qualité du pain que l’on vend. Nous voulons que les clients achètent notre pain parce qu’il est bon, et pas seulement parce qu’ils adhèrent au mode de production », tient à préciser Marion Bacrot. Depuis deux ans, les paniculteurs réussissent leur pari. Le modèle mis en place par le couple semble viable. En transformant eux-mêmes leur production agricole, ce sont eux qui récoltent l’intégralité de la valeur ajoutée. « Il est clair que si nous devions vendre le peu de blé que nous produisons, nous ne pourrions pas en vivre, explique le couple. Ce modèle est idéal pour les petites fermes. »