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Mesures fiscales exceptionnelles en faveur des entreprises

Le gouvernement vient de prendre des mesures fiscales exceptionnelles destinées à accompagner les entreprises durant la période d’épidémie de Covid-19. Ces mesures ont fait l’objet de précisions apportées par l’administration fiscale dans un communiqué du 13 mars 2020. Décryptage par trois avocats associés du département Droit fiscal au Cabinet Bignon Lebray.

© Jo Panuwat D
© Jo Panuwat D
Présentation des mesures
1. La possibilité d’obtenir un report des prochaines échéances en matière d’impôts directs
La principale mesure consiste à permettre aux entreprises de demander le report du paiement des prochaines échéances de certaines impositions pour une durée de 3 mois. L’administration fiscale a précisé que la demande de report n’a pas besoin d’être justifiée et n’entraînera l’application d’aucune pénalité. Ainsi, toutes les entreprises peuvent bénéficier de ce report d’imposition.
Ce report s’applique aux prochaines échéances d’impôts directs, c’est-à-dire à l’impôt sur les sociétés, la taxe sur les salaires, la CFE, la CVAE et la taxe foncière. L’administration fiscale a expressément exclu de ce report la TVA (et les taxes assimilées à la TVA) et le reversement du PAS sur les salaires.
Les entreprises s’étant déjà acquittées de leurs échéances de mars peuvent faire opposition au prélèvement SEPA qui se rapporte aux sommes qui n’ont pas encore été débitées, ou peuvent en demander le remboursement auprès de leur service des impôts.
Les indépendants ont quant à eux la possibilité, via leur espace particulier, de moduler à tout moment le taux et les acomptes de prélèvement à la source. Ils peuvent aussi reporter le paiement de leurs acomptes de prélèvement à la source sur leurs revenus professionnels d’un mois sur l’autre jusqu’à trois fois en cas d’acomptes mensuels ou d’un trimestre sur l’autre en cas d’acomptes trimestriels.
2. La possibilité d’obtenir une remise pour les entreprises en difficulté
De plus, les entreprises qui rencontrent des difficultés pour lesquelles le simple report des impositions ne serait pas suffisant, peuvent solliciter des remises d’impôts directs mais aussi des remises sur les pénalités ou les intérêts de retards concernant des dettes fiscales en cours.
Néanmoins, contrairement à ce qui est prévu pour le report des impositions, les remises ne seront accordées qu’au regard des éléments concrets de la situation financière de l’entreprise et le critère de situation difficile sera apprécié de manière stricte.
3. Les remboursements des créances fiscales des entreprises
Enfin, l’administration fiscale s’est engagée auprès des entreprises, à accélérer les processus de remboursements des créances en cours, telles que des crédits d’impôts, ainsi que le paiement des factures dues par l’Etat, les collectivités publiques et les organismes publics.
4. Information sur les procédures fiscales en cours et à venir
Selon nos informations, le gouvernement a informé les organisations représentatives des entreprises qu’aucun nouveau contrôle ne serait lancé et aucun acte de procédure ne serait envoyé pour les contrôles en cours, sauf prescription ou délai imposé par la loi.
En ce qui concerne les contrôles fiscaux en cours, l’administration fiscale devrait permettre aux entreprises de ne pas répondre aux demandes des services de vérification, à titre temporaire. Les échanges avec les services vérificateurs devraient se poursuivre, le cas échéant, par voie dématérialisée ou par courrier LRAR.
Nous recommandons aux entreprises concernées de se rapprocher des services vérificateurs pour connaître les modalités de poursuite du contrôle et/ou des procédures en cours, en fonction de leur situation.
L’application de la mesure de report pour chaque impôt concerné
1. L’impôt sur les sociétés (IS)
Pour rappel, l’impôt sur les sociétés est acquitté par le paiement de quatre acomptes versés le 15 mars, le 15 juin, le 15 septembre et le 15 décembre. Le paiement du solde de l’impôt sur les sociétés restant dû doit être effectué, pour les entreprises clôturant leur exercice social le 31 décembre, au plus tard le 15 mai de l’année suivante, et pour les autres, au plus tard le 15ème jour du 4ème mois suivant la clôture de l’exercice.
En l’état actuel des informations, le report étant accordé pour une durée de 3 mois, l’acompte dû au 15 mars serait donc à verser simultanément au versement de l’acompte dû le 15 juin 2020.
Les mesures exceptionnelles ayant été annoncées lors d’un communiqué de presse publié en date du 13 mars, certaines entreprises auront déjà procédé au paiement de l’acompte d’IS du 15 mars. L’administration fiscale autorise expressément les entreprises à s’opposer au prélèvement SEPA auprès de leur banque ou, s’il est trop tard pour effectuer une telle opposition, à solliciter auprès du Service des Impôts des Entreprises (SIE) le remboursement de l’acompte versé.
2. La taxe sur les salaires
Les modalités de paiement de cette taxe dépendent de son montant au titre de l’année précédente :
– Si elle était inférieure à 4 000€, elle doit être payée avant le 15 janvier de l’année suivant celle des rémunérations ;
– Si elle était comprise entre 4 000€ et 10 000€, elle doit être payée par trois versements provisionnels (15 avril, 15 juillet, 15 octobre) et le solde doit être payé avant le 31 décembre de l’année suivant celle des rémunérations ;
– Si elle était supérieure à 10 000€, elle doit être payée mensuellement dans les 15 jours suivant le mois écoulé.
Ainsi, la mesure de report exceptionnel pourrait s’appliquer au versement provisionnel dû le 15 avril, si la taxe acquittée au titre de l’année précédente était comprise entre 4 000€ et 10 000€. Bien que pour l’heure, seules les échéances dues au mois de mars sont expressément visées par les mesures d’urgence.
La mesure de report s’applique à l’acompte dû au mois de mars, lorsque la taxe sur les salaires est acquittée mensuellement, cet acompte pouvant être remboursé par l’administration fiscale s’il a déjà été versé par la société. L’administration fiscale autorise les entreprises, comme pour les acomptes d’IS, à s’opposer au prélèvement SEPA auprès de leur banque ou, s’il est trop tard pour effectuer une telle opposition, à solliciter auprès du Service des Impôts des Entreprises (SIE) le remboursement de l’acompte versé.
3. La Cotisation Foncière des Entreprises (CFE)
Le paiement de la CFE est réalisé par le versement d’un acompte, avant le 1er avril, correspondant à 50% du montant de la CFE, due au titre de l’année précédente, puis par le règlement du solde le 15 décembre.
Les entreprises devraient pouvoir bénéficier du report du versement de l’acompte de 50 % normalement dû au 1er avril 2020, bien que pour l’instant, le gouvernement n’ait pas explicitement accordé le report des échéances fiscales dues en avril. Il conviendra d’attendre les futures directives données par les pouvoirs publics.
Si le paiement de la CFE a été mensualisé, il est possible de suspendre les échéances mensuelles relatives à cet impôt. L’administration fiscale n’indique cependant pas expressément s’il est possible d’obtenir le remboursement de la mensualité du mois de mars, si celle-ci a déjà été acquittée.
4. La Cotisation sur la Valeur Ajoutée des Entreprises (CVAE)
La CVAE est quant à elle acquittée au titre de l’exercice précédent, via le paiement de deux acomptes, correspondants chacun à 50 % du montant de la CVAE. Ces acomptes sont à verser au plus tard le 15 juin et le 15 septembre de l’année d’imposition et le solde est à verser au plus tard le 2ème jour ouvré suivant le 1er mai de l’année suivant celle de l’imposition.
Nous comprenons que le report d’imposition exceptionnel s’appliquerait donc dans un premier temps au paiement du solde de la CVAE dû au 4 mai 2020. Néanmoins, il pourrait être envisagé un report de l’acompte dû au 15 juin 2020, en fonction de l’évolution de la situation. Il convient d’attendre les futures directives du gouvernement sur ce point.
5. La taxe foncière
Cette imposition est due au plus tard au cours du mois d’octobre, sur la base d’un avis d’imposition émis au cours du dernier trimestre de l’année. Ainsi, cette imposition ne devrait pas être concernée par le report exceptionnel d’imposition.
Néanmoins, si l’entreprise a opté pour la mensualisation du paiement de la taxe foncière, elle peut suspendre le versement de ses acomptes, comme en matière de CFE. L’administration fiscale n’indique cependant pas expressément s’il est possible d’obtenir le remboursement de la mensualité du mois de mars, si celle-ci a déjà été acquittée.
Synthèse
Ainsi, en l’état actuel des informations, cette mesure de report exceptionnel concerne les échéances fiscales suivantes :
16 mars :
– Taxe sur les salaires payés en février (en cas de mensualisation)
– Acompte de l’IS et de la contribution sociale sur l’IS
– Prélèvement mensuel de la CFE et de la taxe foncière (en cas de mensualisation)
Par ailleurs, bien que seules les échéances de mars soient expressément visées par le gouvernement, la mesure de report exceptionnel pourrait en outre, concerner les échéances fiscales suivantes (sous réserve de confirmation future par les autorités)
1er avril :
– Acompte de CFE
15 avril :
– Taxe sur les salaires payés en mars (en cas de mensualisation) ou versement prévisionnel (en cas de paiement trimestriel)
– Prélèvement mensuel de la CFE et de la taxe foncière (en cas de mensualisation)
4 mai :
– Versement du solde de la CVAE due au titre de l’exercice précédent.
En pratique : les modalités de mise en œuvre
Afin de faciliter la sollicitation du report des échéances relatives aux impôts directs, dont peuvent bénéficier l’ensemble des entreprises sans justification, l’administration fiscale a établi un formulaire spécifique aux difficultés liées au Coronavirus.
Les entreprises doivent y indiquer les impôts pour lesquels elles sollicitent le report, la date de l’échéance de chaque imposition ainsi que le montant qui aurait dû être acquitté. En outre, c’est aussi dans ce premier cadre que les entreprises peuvent demander le remboursement de l’acompte d’IS ou de la taxe sur les salaires acquittés en mars en indiquant dans la case «montant» : «acompte déjà payé pour remboursement».
En ce qui concerne les impositions acquittées par mensualisations (CFE et taxe foncière), les contribuables peuvent suspendre le paiement des échéances directement via leur espace en ligne ou en contactant le Centre Prélèvement Service. Dans ce cas, le montant de l’impôt restant à acquitter sera prélevé au moment du paiement du solde de l’impôt, en fin d’année 2020.
Les travailleurs indépendants doivent effectuer leurs démarches dans leur espace particulier, sur le site impot.Gouv.fr, dans la rubrique «Gérer mon prélèvement à la source». Pour être applicables à compter du mois d’avril, ces modifications doivent être effectuées avant le 22 mars.
Les entreprises rencontrant des difficultés peuvent solliciter des remises d’impôts directs, pénalités ou intérêts de retard sur des dettes fiscales en cours, en apportant des éléments concrets sur leur situation financière. Les entreprises peuvent se servir du même formulaire (cadre 2). Pour rappel, l’administration fiscale a indiqué apprécier, strictement, le critère de situation difficile de l’entreprise.
Le remboursement des créances fiscales en cours et les factures en attente de paiement par l’Etat pourront également faire l’objet d’une procédure de remboursement accéléré. Pour ce faire, les entreprises devront signaler au service des impôts des entreprises les créances concernées dans le formulaire, au cadre 3.

Jérôme Granotier

Pierre-Emmanuel Scherrer
François Vignalou, avocats associés du département Droit fiscal au Cabinet Bignon Lebray