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Plongée dans Station F, où se créent les entreprises de demain

Inventer la presse de demain, ou alors, améliorer les chantiers de travaux d'aujourd'hui. À Station F, incubateur géant, les start-ups rivalisent d'imagination pour développer des modèles économiques et sociétaux novateurs.

Station F est un incubateur situé dans l'est parisien.
Station F est un incubateur situé dans l'est parisien.

Si la “start-up Nation” se matérialise quelque part, c’est ici : bienvenus à Station F, vaste espace dédié aux start-ups, sis dans l’est parisien, près de la Seine. Le 22 novembre dernier, l’Ajpme, Association de journalistes spécialisés dans les PME, venait découvrir les lieux et rencontrer les fondateurs de trois jeunes pousses actives dans des domaines  divers, le bâtiment, la presse et la politique.

Ouvert par l’entrepreneur Xavier Niel, en juin 2017, le lieu, déployé sur  34 000 m², est partagé en trois espaces successifs. Le premier, surnommé “share”, est accessible aux visiteurs et équipé de services pour les start-ups, comme un “fab lab”, où il est possible de réaliser par exemple des maquettes 3D. L’espace “create” est  réservé aux équipes des start-ups, et le troisième, à diverses formules de restauration. La signalétique est anglo-saxonne et les chiffres, imposants : 4 000 personnes – soit un millier de start-ups – résident à Station F, partageant leur temps entre open space et des pièces-cube qui évoquent les films de Jaques Tati des années 60.

« L’incubateur n’a pas vocation à générer de l’argent »

Au niveau de l’organisation, trois types d’incubateurs veillent sur les start-ups : ceux de grandes entreprises, comme LVMH ou Adidas, de réseaux d’entreprises, et d’écoles. À l’image de l’incubateur d’HEC, doté d’une équipe de quatre personnes. « L’incubateur n’a pas vocation à générer de l’argent, mais nous n’avons pas de ressources propres. Nous les sollicitons sur la base de notre réseau », explique Lisa Gerbe, responsable de programme. Les start-ups sélectionnées ont accès à un programme d’accompagnement et à des ressources gratuites, dont les 4 000 étudiants de l’école, puisque leur cursus comporte deux semaines au service des start-ups de Station F.

Une start-up dans le domaine du bâtiment

C‘est ainsi que Lucile Hamon, diplômée d’HEC, bénéficie de la compétence d’experts et du travail d’étudiants pour sa start-up, Backacia, dont elle est la cofondatrice. La jeune femme profite également de bureaux à des prix très compétitifs, par rapport au marché parisien. Le loyer démarre à 200 euros par mois, par poste de travail, un prix qui augmente progressivement au fil du temps. Le projet de Backacia.com, « c’est le ‘Bon coin’ pour les déchets dans le domaine des travaux », explique Lucile Hamon, qui a travaillé dans le secteur avant de créer son entreprise. Concrètement, sur sa plate-forme, les grandes entreprises qui réalisent des travaux immobiliers générateurs de déchets, peuvent les  mettre en vente auprès d’un public très épars de dizaines de milliers de petites entreprises, artisans ou petits maîtres d’ouvrage.  « Cela insère un revenu dans le chantier, qui n’est jusqu’alors qu’un poste de coût. (…). Il faut montrer que les déchets peuvent constituer une ressource », explique Lucile Hamon. Pour l’acheteur, ce dispositif offre la possibilité d’obtenir une pompe à chaleur ou une porte sophistiquée, pour un prix très modéré. Exemple : des cloisons de bureau vitrées d’une société de consulting, reprises par un brasseur… La start-up agit très en amont, pour réaliser des préventes. Les acheteurs viennent récupérer leur bien sur le chantier. Le défi ? Les petites entreprises ne sont pas très digitalisées. « Pour certains, même payer en ligne, c’est compliqué », remarque Lucile Hamon, qui travaille à faire connaître sa solution, par exemple en allant “pitcher”, au salon professionnel  Batimat… Au bout de deux ans et demi, l’entreprise, qui n’a pas réalisé de levée de fonds, compte deux associés et trois stagiaires. Sa plateforme réunit 1 500 inscrits et 300 chantiers, en Île-de-France, en Aquitaine et en Paca (Provence-Alpes-Côte d’Azur).

Inventer les  modèles de demain

Deux autres start-ups ont présenté leur projet. Ainsi, Pressmium se veut le « Spotify de la presse », explique l’un de ses cofondateurs,  Walid Ghanem. Le principe : une plate-forme   qui mutualise le contenu de plusieurs journaux, avec des modes de lecture modernisés, comme, par exemple, la lecture audio, pour composer une offre à laquelle l’internaute accède via un abonnement. « Lorsque l’on regarde la vidéo, on a Netflix. Pour la musique, il y a Spotify… La presse est en retard, et d’autres s’y mettent à sa place. Ce sont les Gafa, comme Apple aux USA. Nous nous sommes dit : développons une alternative aux Gafa, avec des éditeurs français et européens », explique Walid Ghanem. Aujourd’hui, la start-up,  une équipe de huit personnes, a noué des partenariats avec une quarantaine d’acteurs de la presse, dont le groupe Challenge, l’Opinion, Marianne, ou encore le quotidien britannique The Guardian.

Autre exemple encore, celui de la start-up Factio.org. « Il y a le lobbying des industriels. Nous  cherchons à être le lobbying des citoyens », résume Sébastien Barthélémy, fondateur de la start-up. Concrètement, celle-ci propose une plate-forme qui réunit des outils de mobilisation citoyenne et de plaidoyer, à destination des associations. Elle permet ainsi de fédérer des citoyens autour d’une cause, pour ensuite, par exemple, envoyer des mails aux députés et sénateurs concernés… Un “baromètre du lobbying des citoyens” répertorie les députés, en fonction de leurs réponses  ou de l’orientation de leurs votes. « Nous n’avons pas de ligne éditoriale. Le cadre, c’est la loi  », précise Sébastien Barthélémy. Ainsi, la plate-forme ne pourra pas  être utilisée pour mobiliser autour de propos révisionnistes, hors la loi. Jusqu’à présent, elle a servi une cinquantaine de campagnes, par exemple, pour Surfrider, une association qui lutte notamment contre le plastique en mer, mais aussi des partisans pro-GPA, (gestation pour autrui) d’autres encore, anti-GPA….  Depuis sa mise en ligne, en juin dernier, la plate-forme a enregistré 10 000 inscrits et envoyé 14 000 alertes. Quant à la start-up, elle cherche à lever 250 000 euros de fonds.