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E-commerce en Italie : une bonne affaire ?

Un marché proche, une croissance à deux chiffres, des concurrents locaux peu aguerris ... le e-commerce italien a des atouts pour séduire, d’après Ubifrance. Mais la logistique est coûteuse et les habitudes de consommation spécifiques, dans un contexte de croissance économique fragile.

E-commerce en Italie : une bonne affaire ?

À propos du e-commerce italien, « parler de maturité est un grand mot, mais il a un énorme potentiel », juge PingKi Houang, directeur général de Showroomprive, spécialiste français du déstockage en ligne, qui pèse 350 millions d’euros. Le e-commerçant est venu témoigner, ce 7 avril, à Paris, lors de la conférence d’Ubifrance, structure dédiée à l’accompagnement des entreprises à l’export, consacrée aux opportunités du e-commerce en Italie. Cela fait deux ans que Showroomprive.com s’est implanté en Italie, pays qui représente aujourd’hui l’un de ses marchés les plus prometteurs à l’export. Pourtant, globalement, le e-marché italien est limité. Alors qu’en 2013, la France compte plus de 32 millions de cyberacheteurs qui dépensent environ 50 milliards d’euros, ils ne sont “que” 14 millions, en Italie. Et le marché pèse 11 milliards d’euros, d’après les informations de l’antenne milanaise d’Ubifrance, présente via téléconférence. Mais la tendance est à la croissance. « 2013 est l’année de la confirmation. Le e-commerce n’est plus une niche, mais est considéré comme une vraie opportunité », commente Patrizia Galbiati, chef du pôle nouvelles technologies, innovation, services d’Ubifrance en Italie, depuis Milan. Ainsi, depuis plusieurs années, Amazon, le géant américain de la vente en ligne, a implanté des entrepôts dans la région de Piacenza (Plaisance), pariant sur la croissance du marché italien.

À fond le mobile
Pour l’heure, le e-commerce italien présente plusieurs spécificités : « Les Italiens ont une forte propension à acheter des services plus que des produits », décrit Patrizia Galbiati. Les services représentent 61% du chiffre d’affaires du e-commerce, avec en tête, le tourisme. Mais ce sont les produits qui connaissent le plus fort taux de progression, avec par exemple l’ameublement ou l’habillement. Autre spécificité du marché transalpin : « Si l’Italie est en retard sur certaines technologies, pour ce qui est des smartphones, les tablettes ou le haut débit mobile, elle figure parmi les premiers pays européens équipés (…) le e-commerce a explosé en 2013 », poursuit Patrizia Galbiati. Déjà, il pèse 50 millions d’euros. Showroomprive.com, par exemple, réalise une partie non négligeable de son chiffre d’affaires via mobile, confirme PingKi Houang. Par ailleurs, « les consommateurs en Italie recherchent les opérations multicanaux », ajoute la spécialiste. Parmi leurs applications favorites : la recherche d’informations sur le Web, le partage d’expériences sur les réseaux sociaux, le fait d’utiliser son smartphone dans un magasin, et aussi les coupons dématérialisés, ou encore la possibilité d’effectuer un retour de produit en magasin.

Concurrents peu aguerris et contre-remboursement
Bonne nouvelle pour les candidats à l’export, les marchands italiens en ligne ne seraient pas très aguerris, à en suivre Ubifrance. Certes, certaines entreprises italiennes ont pleinement investi les possibilités offertes par Internet. Nutella®, par exemple, permet de personnaliser son pot de friandises. Avec les chocolats Baci Perugina, l’internaute peut choisir le mot d’amour que le destinataire trouvera dans l’emballage. Salmoiraghi fait essayer des lunettes de chez soi, via des cabines d’essayage virtualisées. Toutefois, « pour certains produits, les Italiens vont chercher sur des sites étrangers, car il n’y a pas offre italienne (…). Le marché est loin d’être saturé du point de vue des sites marchands », estime Patrizia Galbiati. En effet, si les entreprises italiennes, pourtant très tournées vers l’export, ne se sont par ruées sur le e-commerce, c’est par « manque de confiance dans la technologie (…) et peur de créer de la concurrence avec leurs réseaux existants », explique Roberto Liscia, le président de la Fédération italienne du e-commerce (Netcomm), pour qui le manque de capitaux pèse également.
En tout cas, « le marché est encore très concentré. Les vingt premiers cybermarchands concentrent 60% du chiffre d’affaires », précise Patrizia Galbiati. Il est partagé entre des pure playeurs et des entreprises qui viennent du monde physique, à l’image d’Ikea, Leroy Merlin ou Max Mara. Dans l’alimentation, Esselunga, une chaîne de supermarchés présente dans le Nord de l’Italie, a franchi le pas. Derrière, la Coop, une coopérative de distribution, a mis sur pied un site marchand, via lequel elle propose des produits non alimentaires. Et Carrefour teste un service de point relais à Milan. À côté de ces initiatives d’entrepreneurs, certaines habitudes de consommation diffèrent de celles françaises. « Le contre-remboursement continue à exister. C’est très important à souligner pour ceux qui se lancent. (…). Les italiens ont encore une certaine méfiance vis à vis du paiement par carte bancaire. Cela peut représenter un véritable frein. Cependant, les consommateurs italiens sont en train de changer », explique Patrizia Galbiati. Mais c’est la logistique qui constitue le « point sensible », ajoute-t-elle. Soucis possibles : le coût, les délais…Sur ce sujet, « on est encore très en arrière », confirme PingKi Houang.

L’ Italie au-delà du e-commerce
Traditionnellement, l’Italie représente un important marché pour la France. Après l’Allemagne, c’est le deuxième partenaire commercial de l’Hexagone, rappelle Didier Bourguignon, directeur d’Ubifrance à Milan. Et c’est également le premier terrain d’investissements. Les entreprises françaises y ont implanté 1 500 filiales, et 15 000 y exportent. « Le pays a connu une crise très sévère depuis 2009 (…), mais 2014 devrait être une année de sortie de crise », avance Didier Bourguignon. D’après lui, tous les espoirs sont permis, au vu de l’excédent de la balance commerciale, le niveau de déficit public et les réformes initiées par le nouveau président du Conseil, Matteo Renzi. Toutefois, « ce pays est proche, mais plus différent qu’on ne le pense parfois. Par exemple, il y a une identité régionale très forte. (…) C’est un marché fragmenté », met en garde Didier Bourguignon. Les réalités locales pèsent lourd : le taux de chômage, par exemple, peut varier de 18 à 8%, selon les régions. Quant aux habitudes de consommation, « elles sont plus traditionnelles qu’en France, mais elles évoluent, avec les nouvelles générations ». Bref, pour le directeur d’Ubifrance à Milan, l’Italie constitue un « excellent tremplin pour un démarrage à l’export ».