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Le stress au travail, un mal bien ancré

Près d’un salarié européen sur deux déclare être soumis au stress de manière constante sur son lieu de travail
Près d’un salarié européen sur deux déclare être soumis au stress de manière constante sur son lieu de travail

Près d’un salarié européen sur deux déclare être soumis au stress de manière constante sur son lieu de travail

Évolution des modes de travail, ambiance dégradée avec les collègues, arrivée des nouvelles technologies, craintes quant à la pérennité de leur emploi ou encore pression accrue… Les sources de stress pour les salariés sont nombreuses et peuvent affecter la qualité de leur travail mais surtout leur qualité de vie, et leur santé. Un enjeu majeur pour les entreprises, qui cherchent des moyens d’améliorer le bien-être au travail.

Avec près d’un salarié européen sur deux qui déclare être soumis au stress de manière constante sur son lieu de travail, le phénomène inquiète les entreprises. Pourtant elles semblent avoir encore du mal à appréhender le problème et à accompagner leurs collaborateurs. Selon une étude réalisée par ADP, agence spécialisée dans la gestion des ressources humaines, un quart des salariés européens estime que leur employeur ne les aide pas à gérer leur stress. Plus grave, un tiers des salariés français affirme ne recevoir aucun soutien de leur entreprise.

« Un certain niveau de stress est une partie inhérente de nombre de fonctions et cela peut avoir un effet positif de rendre l’activité plus dynamique. Néanmoins un stress excessif et fréquent constitue la plus grande des menaces pour les collaborateurs car il affecte leur moral, ainsi que la productivité et l’efficacité », déclare ainsi Eddy Corcos, directeur de l’activité Human Capital Management d’ADP France.
Des conséquences économiques Bien qu’il soit difficile de chiffrer précisément le coût financier du stress pour les entreprises, certaines estimations avancent le montant de 20 milliards d’euros par an pour l’Union européenne quant à la France, l’INRS l’estime entre 0,8 et 1,6 milliard d’euros par an. Des sommes importantes qui pourraient être bien en deçà de la réalité car le stress serait la première cause d’arrêts maladie en Europe selon un document de l’Agence européenne pour la sécurité et la santé au travail. Or l’absence de salariés dans les entreprises sur des durées qui peuvent être longues conduit à la perte d’un savoir-faire, des désorganisations dans le fonctionnement de la société, des frais de remplacement mais aussi des pertes en termes d’image et une dégradation du climat social dans l’entreprise. « Les entreprises ont bien compris l’intérêt économique de limiter l’absentéisme. Certaines avancent que la performance se fait au détriment de la santé des travailleurs. En réalité, la performance est possible uniquement si les salariés se sentent bien sur le lieu de travail et sont en bonne santé », explique Thierry Levasseur psychologue du travail et dirigeant fondateur du cabinet TLC Conseil, société de conseil en management.

Une dégradation du climat social Près d’un salarié sur deux et 50% des cadres estiment que le climat social de leur entreprise s’est dégradé au cours de ces derniers mois (Observatoire Cegos). En cause, les mutations induites par l’arrivée massive du digital qui bouleverse les modes de travail et un contexte économique marqué par un chômage au plus haut. « La conjoncture morose sur le marché de l’emploi rend le salarié prêt à accepter beaucoup de choses pour sauvegarder son poste. Nous sommes dans une réelle relation de subordination », remarque Thierry Levasseur. La crainte de perdre son emploi incite les collaborateurs à s’investir et à rester impliqués dans leur travail avec le risque d’augmenter leur charge de travail. Toutefois, il ne faut pas négliger la fierté de travailler pour son entreprise qui reste élevée avec 70% d’opinion favorable selon l’Observatoire du Cegos. Si globalement la qualité de vie au travail est jugée moyenne par l’ensemble des salariés tous secteurs confondus, la plus jeune génération, celle des personnes nées dans les années 1980, parait plus optimiste dans les différentes enquêtes réalisées sur le sujet avec une explication donnée par Chantal Coutaud, directrice générale Axcess by Deloitte : « Les réorganisations et les mutations sociales viennent bousculer l’image que les salariés portent sur la qualité de vie au travail. Une érosion sensible du climat social qui se traduit par la nostalgie d’une autre époque. » Une autre époque que la génération Y n’a pas connu ! D’autres facteurs sont à l’origine de la dégradation du climat social et de l’augmentation du stress chez les salariés. Parmi ceux-ci, ils regrettent notamment le manque de moyen pour atteindre les objectifs fixés et surtout l’absence de reconnaissance de la hiérarchie. « On constate que les salariés ont un fort besoin de retour de la part des managers pour les féliciter, les encourager ou même pour les recadrer et les accompagner dans les tâches qu’ils doivent accomplir », développe Thierry Levasseur. Enfin,
la révolution digitale qui se traduit en partie avec l’équipement des salariés en nouveaux outils numériques avec entre autre les Smartphones participerait au délitement du climat social ou tout du moins du sentiment de malaise des salariés. Pourtant, l’arrivée de ces nouvelles technologies, dans un premier temps, est généralement bien perçue par ces derniers. « Le salarié se sent valorisé, le Smartphone est à la fois un outil professionnel et personnel », explique Thierry Levasseur. C’est la barrière rendue floue entre le monde privé et professionnel que regrettent les salariés. Consulter ses mails, répondre à des appels hors du lieu de travail sont devenus des actes courants alors même que les salariés désirent de plus en plus trouver un équilibre de vie entre le travail et la maison. Une situation pour le moins paradoxale qui s’amplifie avec la démocratisation du télétravail.

Les conséquences du stress sur la santé Le stress se matérialise par plusieurs symptômes physiques : fatigue, anxiété, trouble du sommeil, douleurs musculaires… Des troubles qui se répercutent sur la vie personnelle. « Il n’y a pas de bon ou mauvais stress, seulement du stress. Il peut être aigu, il s’agit alors d’un surinvestissement professionnel sur une courte période. La personne peut ensuite récupérer et cela apparaît acceptable. Et, il y a le stress chronique, présent sur une longue période qui amène, à un moment donné, à ce que la personne s’épuise et finisse par craquer », explique Clément Charpentreau, psychologue du travail à la Médecine du travail de l’Aisne. Cependant, le stress étant un ressenti, tout le monde n’est pas égal face à la pression et ne réagit pas de la même manière. Néanmoins, les conséquences sur la santé peuvent être importantes, en favorisant les maladies cardio-vasculaires ou en aboutissant à un état dépressif.

L’INRS estime qu’entre 220 500 à 335 000 personnes actives seraient touchées par une pathologie liée au stress professionnel. « Il faut travailler avec l’employeur qui ne se rend pas forcément compte du niveau de stress de ses salariés. Nous pouvons le conseiller pour améliorer les
facteurs associés au stress au travail : organisation du travail, condition de travail, communication, management. Les entreprises sont très souvent réceptives à nos recommandations », remarque Clément Charpentreau. Une ignorance imputable à un manque de communication entre les salariés et leur hiérarchie. L’information ne remonte pas. Il convient alors de chercher des pistes pour révolutionner le management. « Le véritable enjeu reste la prévention du stress, il reste beaucoup de travail à réaliser sur ce point », conclut le psychologue du travail.