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Distillateur ambulant

Installé à Epaumesnil, près de Oisemont, Sylvain Malivoir exerce le métier de distillateur ambulant, qui est en voie de disparition. Avec sa presse à cidre, à l’automne, puis son alambic en été, il voyage dans la Somme pour retrouver ses fidèles clients.

Le cidre est versé par le haut.
Le cidre est versé par le haut.
Sylvain Malivoir est distillateur depuis dix ans.

Sylvain Malivoir est distillateur depuis dix ans.

Ce matin-là, Sylvain Malivoir avait installé son imposant alambic dans une pâture de Dromesnil. Un endroit, appelé atelier public, qui lui est attribué par la commune, qui peut être aussi une place, un bout de rue… L’alambic est l’appareil qui lui permet de distiller de l’alcool d’eau de vie à partir de cidre. Datant de 1948, la machine est toute rutilante : « Le cidre est transvidé dans une cuve, explique t-il. Il chauffe au fur et à mesure pour parvenir à une température de 95 °C. On récupère alors les vapeurs d’alcool qui sont plus légères que les vapeurs d’eau. »

Un privilège non cessible

L’homme de 44 ans parcourt les beaux villages de la Somme avec son alambic du 1er avril au 14 juillet. Il est l’un des derniers de Picardie. Dès 7 h 30, il met en route la belle machine en cuivre qui est opérationnelle une heure après. Son salarié, Alexandre, va dans les fermes chercher le cidre que Sylvain Malivoir a pressé à l’automne. Une fois passé dans l’alambic, le cidre ressort sous la forme d’eau de vie. Celle-ci est versée dans des fûts, que ses clients reviennent chercher sur place. Il faut environ 100 litres de cidre pour faire sept litres d’eau de vie. Sylvain Malivoir compte encore 200 clients, appelés bouilleurs de cru. Ce sont en majorité des personnes âgées qui ont le “privilège” jusqu’à la fin de leur vie de pouvoir distiller sans payer de taxe 1 000 degrés d’alcool, soit 20 litres à 50 °C, car elles étaient installées comme exploitants à la fin des années soixante. Ce droit n’est pas cessible, sauf entre époux. Il ne leur en coûte que 90 euros pour la distillation. Si les clients veulent plus de litres, ils devront rajouter 86 euros pour les taxes. Ceux qui n’ont pas le privilège doivent payer la distillation et les taxes.

En voie de disparition

Son alambic date de 1948.

Son alambic date de 1948.

Ce métier est en voie de disparition : « Chaque année, les clients sont moins nombreux, confie t-il. Les pommiers aussi. Et puis le cidre ce n’est pas la boisson de la génération Coca-Cola. Je pense toutefois qu’il me reste une dizaine de bonnes années. J’ai aussi des demandes pour faire de l’eau de vie de prunes ou de mirabelles. Je vais sans doute investir dans un autre alambic mais celui-là sera en poste fixe. » Agriculteur, il a rencontré Jacques Bamière, distillateur emblématique de Villers-Campsart. Il commencé à lui donner des coups de main avant de reprendre sa clientèle quand il est parti à la retraite. Il a juste justifié être à jour de ses impôts et présenté un casier judiciaire vierge à la préfecture : « Ça fait un complément d’activité, poursuit-il.

Le cidre est versé par le haut.

Le cidre est versé par le haut.

Il faut avoir autre chose à côté pour vivre. J’aime beaucoup ce travail car je voyage et je rencontre beaucoup de personnes. Ça me sort de mon exploitation agricole. C’est un métier sympathique. Les clients sont contents de nous voir mais je dois dire que c’est moins convivial qu’avant. Les clients repartent vite chez eux et discutent moins. » Sa présence autour de l’alambic est quasi constante pour éviter tout souci. Il vérifie régulièrement la température de l’eau de vie : « En faire, c’est une tradition, assure un client. Nous, nous aimons déguster de l’eau de vie à la fin du repas. Mon épouse s’en sert aussi pour la cuisine. Tous les jours nous buvons du cidre de la maison. Et sans Sylvain, ce ne serait pas possible. » D’autres personnes font du pommeau. C’est un apéritif constitué avec trois litres de cidre et un litre de goutte à 50 °C. Avec du sirop de cassis, c’est délicieux également, de même qu’avec des sorbets en digestif. Autre idée, des cerises macérées dans l’eau de vie. En quittant Sylvain Malivoir et son alambic, qui fume au loin, il est bien difficile de croire que cette tradition ancestrale risque bientôt de disparaitre.