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Conjoncture : croissance molle en vue

Une croissance atone en France, c’est au mieux ce que prévoient les analystes de BNP Paribas. En cause, un contexte international qui pourrait réserver des surprises et des réformes structurelles économiques jugées insuffisantes. La banque anticipe un taux de chômage de 12% en France, l'an prochain.

Conjoncture : croissance molle en vue

Il faut bien comprendre que la crise dans la zone euro est terminée », déclarait François Hollande, début juin, lors de son voyage au Japon. Et d’avancer que « la reprise économique est là », à l’occasion du 14 juillet. Chez BNP Paribas, on se montre beaucoup moins optimiste, que le constat concerne l’Europe ou la France. La direction des études économiques de la banque prévoit un recul du PIB en France de 0,4% en moyenne annuelle, en 2013, et une hausse timide de 0,5%, en 2014. « D’après nous, la crise n’est pas terminée. Il y a des signes encourageants, mais ce n’est pas parce qu’on entrevoit la lumière au bout du tunnel que la sortie est proche. (…)Le scénario le plus probable est une reprise limitée, sans grand élan », explique Hélène Baudchon, analyste pour la France chez BNP Paribas, lors de la présentation de la note de conjoncture de la banque à la presse, le 9 juillet, à Paris.

Certes, il existe des « signes d’atténuation de la crise en Europe », constate l’analyste. Exemples : le climat des affaires s’est redressé au Royaume-Uni et dans d’autres pays de la zone euro. Aux Etats-Unis, la croissance se tient plutôt bien. Sur les marchés financiers aussi, les tensions s’apaisent. « Les taux d’intérêt des pays périphériques de la zone euro se sont détendus », ajoute Hélène Baudchon. Au total, « ce contexte devrait bénéficier à la France, qui bénéficie aussi d’une résistance à la baisse même si elle est relative », poursuit l’économiste. De fait, alors que les pays voisins, comme l’Italie et l’Espagne, ont connu chacun sept trimestres successifs de baisse de leur activité, l’économie française se contente de stagner. Toutefois, « il y a encore des soubresauts à craindre de la crise européenne. Le Portugal est là pour le rappeler. Dès qu’il y a des inquiétudes politiques ou économiques, les taux d’intérêt des pays périphériques se tendent très facilement », met en garde Hélène Baudchon, pour qui d’autres types de problèmes pourraient aussi surgir, si la croissance américaine ne tient pas ses promesses ou si de nouvelles turbulences surgissent sur les marchés financiers. Le ralentissement de la croissance chinoise pourrait également être lourd en impacts sur l’économie mondiale. « On ne peut pas dire que l’horizon est totalement dégagé », conclut l’analyste.

Récession et chômage en hausse
Au niveau national, « la récession a fini par rattraper la France », rappelle Hélène Baudchon. En effet, le PIB a reculé deux trimestres d’affilé, définition officielle de la récession. Autre signal fort de la crise : l’ampleur du chômage. Installé à un niveau très élevé suite à la crise de 2008-2009, il s’est seulement stabilisé en 2010 et 2011, pour repartir à la hausse ensuite. « Nous pensons qu’il dépassera 12%, l’an prochain, pour la France », avance Hélène Baudchon. Pour l’analyste, le dispositif des contrats aidés ne sera pas suffisant à enrayer cette évolution. Par ailleurs, le chômage « est à la fois une conséquence et une cause de la faiblesse de la croissance », prévient- elle. En effet, il pèse sur le moral des ménages, leur revenu disponible et incite à l’épargne de précaution.

Autres soucis, « la faiblesse des taux de marge des entreprises, le problème de compétitivité de l’économie française », pointe l’experte. Pour elle, ce problème est « en cours de traitement, mais sa résolution est loin d’être évidente ». Au niveau national, « c’est un mélange d’éléments encourageants et de freins importants à la reprise qui se dessine timidement », synthétise Hélène Baudchon. Entre la hausse du chômage et celle des cotisations sociales, les ménages ne devraient pas se mettre à consommer beaucoup plus. L’inflation basse ne joue positivement qu’à la marge. Et la faiblesse du taux de marge des entreprises n’est pas favorable à l’investissement. Problème supplémentaire, « cette contraction pèse sur l’objectif du déficit budgétaire. (…) L’an prochain, en 2014, avec 0,5% de croissance du PIB, il va y avoir des répercussions sur les finances publiques », prévient Hélène Baudchon. Après le report accordé par l’Union Européenne, la France est supposée ramener son déficit structurel à 3% du PIB, en 2015. « Deux ans, cela passe vite, surtout dans un contexte de croissance très faible », alerte l’analyste, qui juge les prévisions de croissance sur le long terme, sur lesquels le gouvernement bâtit ses programmes, « ultra optimistes ». Pour BNP Paribas, malgré le programme d’économies déjà engagé, et à cause de la baisse de l’activité, cette année, le déficit devrait être au dessus des 4%, et non en dessous, comme visé.

Une politique économique trop timide ?
« Le Pacte de compétitivité va dans la bonne direction. (…) Mais si le diagnostique est bon, le dispositif manque d’envergure », estime Hélène Baudchon, pour qui ce constat s’applique à différentes mesures de politique économique prises par le gouvernement. Les accords de sécurisation de l’emploi constituent une « avancée certaine, mais ses effets seront longs à se faire sentir. (…)La loi est effective depuis le 1er juillet. Sur 2013, il ne faut pas en attendre grand-chose. Ce sera pour 2014. Mais si la loi est bonne, l’inquiétude vient de savoir si les entreprises vont vraiment s’en servir », estime Hélène Baudchon. Sur le fond, les mécanismes de facilitation du recours au chômage partiel et le maintien dans l’emploi à des conditions spécifiques dans des entreprises qui connaissent de graves difficultés, pourraient se révéler des outils utiles. Quant au CICE, le crédit d’impôt compétitivité emploi, « là aussi, il faut que les entreprises se l’approprient (…) au niveau des montants engagés, cela ne fait que compenser les hausses d’impôt programmées, sachant que d’autres vont venir (…) Les effets positifs à en attendre risquent d’être limités », estime l’analyste.

D’autres mesures de politique économique sont à venir. A la rentrée, les réformes de la retraite, de l’indemnisation chômage et de la formation professionnelles devraient contribuer à dégager des économies. Reste à voir les dispositifs décidés et mis en oeuvre. Quant au projet de Modernisation de l’action publique, si les objectifs sont « ambitieux », pour l’instant, par exemple sur le chantier des aides aux entreprises, « les montants d’économies dégagés pour l’instant sont ridicules par rapport à ce qu’on doit faire. Mais cela débute », commente Hélène Baudchon. Au final, « retraite, formation professionnelle, aides aux entreprises, politique familiale, cela bouge dans tous les sens, avec des mesures parfois contradictoires », estime l’économiste pour qui le discours gouvernemental qui se veut pro-entrepreneur un jour, et réforme le statut de l’auto-entrepreneur, le lendemain, « participe à un manque de lisibilité », peu susceptible de doper la croissance.